Le Coran, tu t'abreuveras !

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INTRODUCTION


Ce travail n'a pas pu voir le jour normalement. En fait il s'agit de la reconstitution d'un original détruit dans des circonstances particulières.

Dans sa forme actuelle, il ne satisfait pas à l'idée initiale que nous nous faisons du problème coranique. Le sujet méritait un travail de longue haleine et une documentation très sérieuse dont nous n'avons pu disposer dans notre seconde tentative. Croyant, néanmoins, à la pérennité de l'idée directive qui avait présidé à l'élaboration même du projet, nous avons cru devoir lui consacrer encore un effort, fut-il insuffisant. C'est pourquoi nous avons essayé de rassembler les éléments qui ont survécu de l'original sur quelques bouts de papier ou dans notre mémoire.

Nous avons, croyons-nous, sauvé l'essentiel : le souci d'une méthode analytique dans l'étude du phénomène coranique.

Pratiquement, cette méthode voudrait embrasser un objet double : procurer, d'une part, aux jeunes Musulmans algériens une occasion de méditer la religion et suggérer, d'autre part, une réforme opportune dans l'esprit de l'exégèse classique.

Il faut se rendre compte, en effet, qu'en Algérie, comme dans tous les pays arabes, l'évolution culturelle passe par une phase critique : "la renaissance musulmane " reçoit toutes ses idées techniques de la culture occidentale, notamment et surtout, par la voie de l'Egypte évoluée.

Ces idées techniques n’embrassent pas seulement les choses de la vie matérielle nouvelle à laquelle s'adapte, de plus en plus, le jeune Musulman ; elles concernent aussi, d'une manière moins perceptible, il est vrai, les choses de l'esprit, de l'âme, de la vie spirituelle en un mot.

En effet, bien qu'on puisse s'en étonner, beaucoup de jeunes Musulmans lettrés puisent aujourd'hui, leur édification religieuse, et parfois leur impulsion spirituelle même, à travers les écrits de spécialistes Européens.

Les nombreuses études islamiques qui paraissent en Europe, sous la plume d'éminents orientalistes, sont un fait indéniable.

Mais, imagine-t-on la place capitale que ce fait occupe dans le mouvement des idées modernes des pays Musulmans ?

L'œuvre de ces orientalistes a atteint, en effet, un rayonnement plus considérable qu'on ne pense et, nous n'en voudrions pour preuve que le fait pour l'Académie Royale d'Egypte de compter parmi ses membres un savant français.

On pourrait encore s'en rendre compte au nombre et à la nature des thèses de doctorat que les intellectuels syriens et égyptiens présentent annuellement devant la seule Faculté de Paris.

Dans toutes ces thèses, les futurs maures de la culture arabe, qui seront bientôt les promoteurs de " la renaissance musulmane ", ne manquent pas, comme il se doit, d'exposer les idées maîtresses de leurs professeurs occidentaux.

Et, par ce canal, " l'orientalisme "pénètre profondément toute la vie intellectuelle des pays musulmans en déterminant, à un degré important, leur orientation historique.

C'est là, précisément, la crise grave par laquelle passe notre culture, en ce moment, en soulevant, çà et là, les échos de quelques retentissantes polémiques. C'est le cas. En Egypte, du duel Zaki Moubarek-Taha Hussein, traduisant en une épique fanfare littéraire le drame moderne de la pensée musulmane.

Mais il y a dans cette crise générale un aspect qui intéresse, en particulier, l'objet de cette étude, à savoir : l'influence de l'œuvre orientaliste sur l'esprit religieux de nos jeunes universitaires sollicités, soit par la nécessité bibliographique, soit par simple affinité intellectuelle— à s'adresser à des sources occidentales, même pour une information islamique personnelle. En effet, les sources locales d'information sont taries de leurs trésors culturels figurant désormais dans les fonds des bibliothèques nationales en Europe.

Certes, avec ses imprimeries nouvelles et le labeur intense de sa jeune génération intellectuelle, l'Egypte fait un admirable effort pour mettre à la disposition de la pensée musulmane de nouveaux instruments de travail. Mais, cet effort est lui-même sous la coupe de calculs administratifs mettant la culture au service de la politique.

Quoiqu'il en soit, et pour l'Algérie notamment, le jeune Musulman lettré se voit encore obligé de recourir, pour satisfaire à des exigences intellectuelles nouvelles, à la source d'auteurs étrangers dont il apprécie, peut-être un peu trop, la technique cartésienne.

Il y a même des cadis et des vieux " enturbannés " mouderrès qui en apprécient l'élégance géométrique.

Sans doute n'y aurait-il aucun inconvénient à cela, si l'orientalisme n'embrassait, par ses méthodes, que l'objet scientifique.

Malheureusement, la tendance politico-religieuse se trahit bien souvent dans les travaux, par ailleurs admirables, des spécialistes islamisants de l'Europe. Le R.P. Lammens, qui demeure le type de l'orientaliste " Désislamisant ", n'est pas néanmoins le cas unique où nous puissions constater le sourd labeur de sape dirigé contre l'Islam. Le brave homme a eu, du moins, le mérite de clamer bien haut son ressentiment pour le Coran et pour Mohamed. Sans doute, il vaut mieux avoir affaire à ce bruyant fanatisme là, plutôt qu'à un superbe et silencieux machiavélisme chez d'autres orientalistes gardant mieux les apparences de la science.

Mais il est curieux de noter les complaisances dont bénéficient en Egypte notamment, les idées les plus extravagantes quand elles sont émises par les universités de l'Occident. L'exemple le plus instructif à cet égard, est, incontestablement, l'hypothèse formulée par un orientaliste anglais sur " la poésie djahilienne ". En juillet 1925. Cette hypothèse était publiée dans une revue orientaliste. Au cours de 1926, TAHA Hussein publie son fameux   " FICH-CH’R EL - DJAHILI ".

Cet enchaînement chronologique est tout à fait significatif de la subordination de la pensée de certains leaders de la culture arabe moderne vis à vis des maîtres occidentaux. Il n’y aurait rien d'excessivement anormal si, dès sa publication, l'hypothèse de Margoliouth n'avait reçu la consécration empressée des revues arabisantes et de certaines thèses de jeunes docteurs arabes. Elle a même acquis la valeur d'un critère certain, notamment dans l'Etude du docteur T. SEBBAGH sur la " METAPHORE " dans le Coran. Cet auteur se refuse systématiquement à considérer désormais la poésie djahilienne comme une donnée positive de la philologie arabe.

Or, le problème " ainsi posé " dépasse le simple cadre littéraire et historique et intéresse directement tout le système de l'exégèse classique fondé précisément, sur une comparaison stylistique, en considérant la poésie djahilienne comme une donnée indiscutable.

Le problème se serait, de toute façon, posé du fait de l'évolution moderne de la pensée musulmane, mais d'une façon, peut-être, moins révolutionnaire. De toute façon, le cadre de l'exégèse classique devait être sagement modifié pour circonscrire les exigences d'une pensée cartésienne. Mais l'hypothèse, de Margoliouth a voulu donner une allure révolutionnaire au problème, en s'y introduisant opportunément, comme une dynamite susceptible de faire sauter tout le système exégétique.

Jusque là " le miracle coranique " était fondé sur l'argument majeur de transcendance du " Verbe de Dieu " sur le 'Laïus " de l'homme.

Jusque là l'exégèse avait recouru à la stylistique pour trouver au miracle coranique une base rationnelle. Mais en tirant les conséquences de l'hypothèse de Margoliouth, comme le fait le docteur SEBBAGH, c'est cette base qui ferait défaut. Dès lors, le problème de l'exégèse se poserait sur un point extrêmement important pour le credo du Musulman, à savoir la preuve du miracle coranique.

L'évolution intellectuelle n'aurait pas manqué d'amener de toute façon, nos jeunes universitaires à constater, tôt ou tard, le caducité du critère classique qui avait jusque là fourni l'argument décisif en faveur de l'origine surnaturelle du Coran. Pour un esprit de tournure cartésienne, de quelle valeur peut-être un argument s avérant désormais purement, subjectif ?

En effet, aucun Musulman, l'Algérien notamment, ne peut désormais comparer objectivement un verset coranique à une période rythmée ou rimée de l'époque djahilienne. Il y a longtemps que nous avons cessé de posséder le génie de la langue arabe pour pouvoir tirer d'une comparaison littéraire une conclusion judicieuse.

Il y a longtemps, que notre credo se satisfait, sur ce point, d'un principe d'autorité qui cadre mal avec l'exigence de l'esprit d'une élite désormais engouée de positivisme. Le problème de l'exégèse se pose donc, désormais, sous un jour nouveau. C'est probablement sous ce jour qu'il est considéré par les modernes savants de l'Egypte. Mais les travaux de ces derniers, quoique, serrant de près l'objet social d'une science exégétique, ne semble pas encore avoir fixé sa méthode adéquate.

L'imposant " Tafsir " de Tantawi djawhari est surtout,  une production encyclopédique où il n'y a pas le moindre souci de méthode.

Quant aux travaux de Rachid Richa, après ceux de son maître Cheik Abdou, ils n'ont pas davantage inauguré cette méthode. Leur souci de porter néanmoins, dans l'ancien système une tournure d'esprit nouvelle, quoiqu'il n'ait pas modifié essentiellement l'exégèse classique, n'a pas manqué d'entretenir toutefois, parmi les élites musulmanes, alléchées par le renouveau littéraire intérêt assez vif pour les débats religieux.

Cependant : le problème de l'exégèse demeure important : d'une part par rapport à la conviction de l'individu formé à l'école cartésienne et d'autre part, par rapport à l'ensemble des idées courantes constituant le fond de la culture populaire.

Il y a, en effet, pour un milieu donné, un problème des idées courantes comme il y a un problème des idées techniques. Si celles-ci déterminent chez les élites des solutions théoriques de certains problèmes. Les premières, elles, déterminent le comportement pratique des masses en face de ces problèmes de la vie. Dans l'état actuel des choses, il y a en Algérie, une classe de lettrés convaincus du mouvement de la terre, mais il y a un énorme public de Zaouïa, un peuple d'ignorants de toutes sortes, qui confesse avec une fureur dogmatique remarquable " la terre immobile et maintenue par la providence sur la corne d'un taureau ".

Or, l'idée " populaire " — surgie ici du cerveau d'un malencontreux exégète a quelque chose de plus déterminant comme facteur historique que l'idée technique, dans bien des cas. La boussole et le sextant, par exemple, en tant qu’idées techniques arabes, n'ont pas servi néanmoins, à la découverte de l'Amérique par un monde arabe désormais paralysé dans son progrès intellectuel aussi bien que moral par des idées populaires mortes.

Est-ce ce drame là que Ghazali a voulu exprimer dans ce vers célèbre :

" J'ai filé à leur intention et mon fil était trop fin ".

" Mais je n'ai pas trouvé parmi eux de bons tisserands ".

"J'ai alors brisé ma quenouille ".

Quoiqu’'il en soit, le problème de l'exégèse coranique est aussi bien le problème de la conviction religieuse chez l'intellectuel que celui des idées courants chez l'homme de la rue. C'est à ce double point de vue qu'il y aurait à considérer une doctrine de l'exégèse.

Le sujet de notre étude se rattache, partiellement, à cette doctrine, sous le rapport de la conviction rationnelle de l'intellectuelle conviction placée jusque là sous l'égide de la théologie. Nous voudrions, sinon fournir directement la base rationnelle nécessaire à cette conviction, du moins, ouvrir méthodiquement et largement le débat religieux afin d'amener l'intellectuel algérien à édifier lui-même cette base nécessaire à sa foi.

La méthode suivie ici, consiste à lier le cas particulier de l'Islam au phénomène religieux en général, à situer son Prophète comme le maillon ultime dans la chaîne du mouvement prophétique et à placer la doctrine coranique comme l'aboutissement du courant de la pensée monothéiste.

Enfin, elle consiste à déduire du Coran, examiné du point de vue phénoménologique, un critère d'authenticité pour l'Islam comme religion révélée.

Mais, nous ne pouvions pas négliger, pour établir le lien dialectiquement nécessaire entre les chapitres de cette étude, de préétablir un premier critère consacré à la personne du Messager, Mohamed, comme le second critère est consacré au Message du Coran.

Tels sont les éléments de la méthode que nous voudrions mettre à la disposition du jeune intellectuel algérien, pour l'aider à établir la base rationnelle de sa foi religieuse.

L'exécution de la tâche a fait apparaître les multiples imperfections de notre outillage technique.

Aussi, n'est-ce point par modestie, mais en connaissance de cause, que nous livrons notre exécution comme une simple indication pour des travaux à venir et en vue desquels il faudra faire appel à des moyens techniques et à des documents que nous n’avons pu hélas ! rassembler pour cette étude.

En particulier, il nous semble utile de signaler, ici, combien l'exégète de demain aura besoin de connaissances linguistiques et même archéologiques étendues, il devra, en particulier, pouvoir suivre, depuis les Septantes, la Vulgate, à travers les documents massorétiques et, en général, tous les documents Syriaques et araméens, le problème des Saintes Ecritures.

C'est une tâche que nous ne pouvions entreprendre malgré notre plus vif désir.

Alger, le 30 Octobre 1946

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